Meet the Hunter [Allan]

Zayin était... A vrai dire, c'était difficile à décrire, pour lui. Il n'avait jamais été quelqu'un d'émotif, mais en voyant cette caisse mystérieuse trôner au milieu de son salon, il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir un peu fébrile. Enfin, la guerre commençait vraiment. Avant toute chose, cependant, il fallait ouvrir cette caisse.

Heureusement, il avait un pied de biche dans la caisse à outils se trouvant dans le débarras de son appartement. Après l'avoir ramené dans le salon, il fit sauter le couvercle de la caisse, révélant son contenu. La première chose qui attira son oeil fut un journal à l'air ancien, relié de cuir, ses pages jaunies par le temps. La caisse contenait aussi des instructions, sur une feuille de papier A4, quelques bougies noires, un pack transparent de sang humain, autoréfrigéré, et contenant du sang du groupe A positif. Le nom du donneur avait été recouvert au feutre noir. Et pour finir une boîte plastique transparente, contenant de la terre noire.

Il alla placer le pack de sang au réfrigérateur pour l'instant, puis s'installa dans son canapé, et décida de commencer par lire les instructions. Tout avait été imprimé, et décrivait le rituel pour invoquer un servant. Tracer un cercle avec le sang fourni pour lui, puis, pour le Servant un second cercle, relié au premier, avec son propre sang. Installer les bougies aux intervalles indiqués. Entrecouper avec des monticules de terre. Réciter la formule jointe, de préférence en anglais, en tenant le journal. Relativement simple, même si un peu long.

Ensuite, il passa au journal. Il appartenait apparemment à un écrivain, et contenait une variété d'histoires, de croquis, et autres notes et observations. L'essentiel du journal était dédié à retrancrire les histoires venant d'un chasseur interviewé par l'écrivain. Le recueil était signé de la main de Henry Rider Haggard.

Après avoir fini de feuilleter le carnet, Zayin se mit au travail, roulant le tapis dans un coin pour avoir une meilleure surface de travail. D'abord, le cercle principal. Armé d'un couteau, il pratiqua une ouverture dans le sac de sang pour le verser dans un bol. Puis, avec un pinceau, il commença à suivre le modèle joint dans la fiche. Ce cercle terminé, il passa au second. Après avoir lavé le couteau, il s'ouvrit le poignet sans la moindre émotion, et versa son sang dans un bol propre, jusqu'à en avoir assez, puis referma la plaie avec sa magie. Rapidement, il termina le second cercle. Il plaça les bougies à chaque pointe des figures géométriques contenues dans le cercle, et la terre à l'intérieur du cercle ou le servant devait apparaître.

Se saississant du carnet, il alla se placer dans la forme conçue pour l'accueillir. Après avoir mémorisé la formule qu'il devait dire, il prit une grande inspiration. Tout était prêt.

- O, knight of the bow, heed my call.
Traverse time and space, from the Throne of Heroes where you rest,
and fight alongside me, in this war for the Grail !
Lend me your strength, and I will lend you mine.
Appear before me, Archer !

Une lumière aveuglante se forma au centre du cercle vide, forçant Zayin à fermer les yeux. Dans le salon, la température de l'air commença à monter, un vent léger se mettant à souffler malgré le fait que toutes le fenètres étaient closes, les flammes de bougies ballotées par le courant d'air surnaturel. L'homoncule grinça des dents en sentant une douleur brûlante, plus intense que tout ce qu'il avait jamais subi, sur le dos de sa main. C'était comme si ses nerfs étaient en train de pousser, se frayant un passage à travers sa chair. Formant un symbole, comme une marque au fer rouge.

Enfin, la lumière se dissipa, révélant un homme d'âge mur, bien bâti, se tenant dans le cercle opposé. Un servant. Zayin referma le carnet d'une main, écoutant ce qu'il avait à dire. Son vrai nom, tout d'abord. Bon à savoir, en partant de son vrai nom, et des informations obtenues dans le catalyseur de l'invocation, il pouvait avoir une bonne idée des capacités de son Servant. Il répondit au salut d'Archer d'un simple signe de tête.

- Je suis un homoncule de combat de sixième génération, numéro de série 51. Cependant, il sera plus simple de vous référer à moi par mon identité d'emprunt, Zayin Goichi.

Bien, c'était les présentations faites. Quoi d'autre maintenant. Pour Zayin, c'était la partie difficile, faire la conversation. Il jeta un coup d'oeil au dos de sa main, et remarqua qu'un symbole rouge vif y était maintenant gravé. Troublant, il avait intérêt à porter des gants pour dissimuler ça.

- Bien. Je vais t'expliquer de quoi je suis capable, histoire que nous soyons sur la même longueur d'onde. Je suis entraîné au combat urbain, et j'ai avec moi un pistolet-mitrailleur et quelques grenades flashbang. Je suis aussi capable de régénérer en cas de blessures.

Il devait avouer, c'était plutôt léger. Les lois sur le port d'armes au Japon étaient strictes, ce qui l'avait empêché d'emporter autant d'artillerie qu'il aurait aimé. Au moins, il avait un contact capable de le fournir en matériel, donc il ne risquait pas de tomber à court de munitions.

- Pour le moment, je n'ai pas repéré d'autres Masters, je pense qu'ils doivent probablement être encore en train de s'établir, comme nous. Je ne pense pas qu'on devrait tenter de chercher le combat immédiatement. L'idéal, ce serait de collecter autant d'informations que possible avant d'engager nos adversaires.

Remarquant qu'ils se tenaient tous les deux dans les cercles, il effectua un large geste de la main, indiquant le salon.

- Au fait, je t'en prie, fait comme chez toi. On va probablement partager cet endroit un moment, alors met toi à l'aise.

L'homoncule alla s'asseoir dans le canapé, notant au passage qu'il devrait nettoyer le sang tôt ou tard, avant que ça empeste. Utiliser du détergent, aussi, même essuyé, les traces de sang restaient détectables par la police. Il n'avait rien fait qui justifie une perquisition pour le moment, mais avec la guerre, c'était un risque bien réel.

- Oh, aussi, si tu as des suggestions à faire concernant le plan qu'on devrait adopter, n'hésite pas.

Le garçon artificiel restait de marbre, sourcils légèrement froncés, visiblement plongé en pleine réfléxion. Ils avaient un peu de temps pour échafauder leur stratégie. Pour le moment, les informations en sa possession étaient pratiquement nulles, et il n'aimait pas ça. Il avait beau avoir reçu un briefing basique, il était en territoire inconnu, dans un type de conflit inconnu, avec des adversaires inconnus.

Le coin des lèvres de l'être artificiel se releva légèrement. C'était bien, le Servant semblait assez perceptif. Avoir un équipier intelligent serait utile pour la guerre à venir, ça voulait dire qu'il n'aurait pas gérer la moindre de ses actions. Il hocha légèrement la tête.

- Bien vu. Je participe a cette guerre car c'est ma directive principale. On m'a ordonné de remporter cette guerre, et je compte le faire.

C'était aussi simple que ça. Il n'avait pas de grandes et nobles raisons. C'était une mission comme une autre. De toute façon, il fallait l'accomplir. Dans sa tête, ça ne faisait simplement aucun doute, le résultat de près de deux ans de conditionnement mental.

- Par contre, si c'est ce qui t'inquiète, je ne crois pas qu'on attende quoi que ce soit de moi, à part gagner.

Du moins, on ne lui avait rien demandé de la sorte dans son briefing. Les paramètres de sa mission étaient simple, invoquer un Servant, prendre part à la guerre pour le Graal, et gagner. Même si il ignorait complètement ce qu'il souhaitait obtenir une fois la coupe en sa possession, il se savait libre de choisir. Intérieurement, il se disait que peut-être, il trouverait le voeu qu'il voulait faire en cours de route. Pour l'instant, c'était une réflexion sans intérêt, tout juste bonne à le distraire du vrai objectif.

Il jeta ensuite un oeil à l'horloge suspendue au mur. Cinq heures de l'après-midi, ils avaient encore un moment avant que la nuit tombe. C'était une bonne occasion de montrer les alentours à Archer, et peut être d'aller faire quelques achats utiles.

- Dis moi, Archer ? Est-ce que tu as besoin de quelque chose en particulier ? Je pensais continuer cette conversation dehors, et t'acheter des vêtements un peu plus discrets. Comme ça, tu pourras te promener et interagir avec les gens un peu plus librement.

De mémoire, il savait qu'un centre commercial était installé pas loin, pour les étudiants qui avaient besoin de faire des achats d'urgence. Il y avait également nombre de petits cafés et restaurants. Utiliser le restaurant universataire n'était pas possible avec quelqu'un d'extérieur en sa compagnie, mais heureusement, ils avaient d'autres options.

- Je ne pense pas qu'on risque d'attaque par ici, on se trouve dans une zone neutre. Mais on est jamais trop prudents.

Il fallait savoir lire entre les lignes. Même si l'organisateur avait déclaré que certaines zones étaient neutres, il n'avait pas spécifié de punition pour ceux qui violaient cette règle. Il ne pensait pas qu'attaquer dans une zone neutre causerait une disqualification. Le grand risque était surtout de devenir une cible considérée dangereuse par les autres Masters. Quelque chose qu'il préférait éviter, mais que quelqu'un d'assez téméraire pouvait tenter pour éliminer une cible. Il soupira. Manquer d'informations était vraiment quelque chose de terrible. Il avait l'impression de marcher dans une pièce plongée dans l'obscurité.

- Hmm, un instant.

Rapidement, avec une efficacité apportée par deux années de discipline, l'homoncule ramassa les bougies, aspira la terre avec un petit aspirateur, rangea le carnet, et finalement, plaça le tapis sur les diagrammes tracés sur le sol. Le tout n'avait pris que deux minutes, à peine.

- Voilà, on peut y aller maintenant. Je préfère ne pas laisser de preuves évidentes derrière, au cas où.

Une guerre se gagnait avec des informations, après tout. Une fois tout rangé, il sortit de son appartement, ferma la porte derrière lui, et commença à descendre les marches de l'escalier, l'amenant en bas du bâtiment ou il vivait.

Le quartier universitaire de Todai était animé, à cette heure, des étudiants sortaient de leurs cours de l'après-midi, tandis que d'autres se rendaient à leurs cours du soir. Le tout formait une véritable foule, dans laquelle Zayin pouvait se fondre sans problème. De façon étonnante, malgré la forte présence de natifs japonais, Zayin n'était pas le seul étranger, on en trouvait à intervalles réguliers. Probablement attirés ici par l'idée de la guerre du graal.

Sous les apparences tranquilles de la cité universitaire, on sentait une sorte de tension fébrile dans l'air, comme un mélange de méfiance, et d'impatience. Pour l'homoncule, cette ambiance lui rappellait les rassemblement, juste avant un déploiement important. Les gens de cette ville savaient que quelque chose se préparait, dans l'ombre.

Les pas de Zayin l'amenèrent vers un magasin de vêtements pour homme, des mannequins en costumes élégants dans la vitrine. L'enseigne était ornée d'un cheval ailé, et d'un mot calligraphié en lettres occidentales. "Pegaso", disait il. L'homoncule se concentra, tout en rentrant dans le magasin, l'air climatisé lui caressant la peau. Il s'approcha d'un rayon, parlant à voix basse, à l'intention d'Archer.

- Choisit ce qui te plaît. Essaie de faire attention à la taille. Aussi, tu peut te matérialiser pour essayer les vêtements. Je m'occupe de la vendeuse.

Laissant Archer faire son shopping en paix, il s'approcha de la vendeuse, une jeune femme brune vêtue d'un tailleur strict, qui le salua avec un professionalisme froid, d'un signe de tête. Zayin, sans perdre une seconde, se lança dans son histoire.

- Bonjour. J'ai une demande inhabituelle. Voyez vous, mon père vient d'arriver au Japon, mais il a perdu sa valise à l'aéroport. Il n'a pas grand chose à se mettre, donc je voulais savoir si il pouvait se changer dans vos cabines. Bien sûr, je paierait en avance pour ce qu'il achète.

Sans attendre, il dégaina un portefeuille en cuir, en tirant quelques billets. La femme au regard froid sembla réfléchir un instant, méfiante, mais finit par hocher la tête.

- Très bien, monsieur. Prenez votre temps, surtout. Je suis à votre disposition si vous avez besoin d'aide.

Sans rater une seconde, le jeune homme répondit, dans un anglais parfait, dépourvu du moindre accent, à son "père", renforçant le scénario que le duo avait mis en place.

- Bien sûr, père, un instant.

Se retournant vers la vendeuse, il traduisit en japonais la requête d'Archer, gardant le même ton calme et mesuré. Son japonais était tout aussi neutre que son anglais, pas une trace d'accent étranger. Pas étonnant, remarque, la formation à plusieurs langues faisait partie de son entraînement.

- Mon père voudrait savoir si vous avez l'article qu'il tient en blanc.

La jeune vendeuse jeta un oeil à ce qu'il tenait, et sembla se concentrer un instant pour tâcher de se souvenir, avant de hocher la tête.

- Il doit en avoir dans l'arrière boutique. Je vais voir de ce pas, un instant s'il vous plaît.

Et, avec une petite courbette, elle se retourna et s'engouffra dans ce qui devait être l'entrepôt derrière le magasin, laissant le duo seuls. Bien entendu, partir sans payer était inpensable, pas avec la caméra située dans un coin du magasin, et le vigile en costume posté à l'entrée. L'homoncule grimaça en remarquant qu'ils étaient enregistrés. Il aurait aimé supprimé les bandes, mais leur disparition amènerait des soupçons. Il devrait vivre avec cette paranoia.

Tant qu'ils avaient un instant pour discuter, il en profita pour interpeller Allan, en anglais, afin de préserver leur scénario de couverture.

- Tu voudras aller quelque part une fois qu'on se sera procuré tes vêtements ?

Peu de temps après, la vendeuse revint, munie de l'article demandé par le Servant. Elle le tendit à l'homoncule, ainsi qu'un sac estampillé de la marque du magasin. "Pour ranger les vêtements de monsieur." ajouta elle. Zayin traversa le magasin pour tout remettre à son Servant, avant de revenir pour se préparer à régler les achats.

- Bien sûr père. Vous verrez, d'ici peu, vous connaître cet endroit comme le dos de votre main.

Il tira son portefeuille de sa poche, et commença sortir des billets, la caissière scannant les articles qu'Allan avait choisi afin de dresser la facture. Une fois le prix donné, elle l'annonça, et Zayin commença à compter la somme sans discuter. Le fait qu'il payait en liquide était une autre manifestation de sa paranoia latente: Il était possible de tracer un paiement en carte bleue. Il n'avait aussi pas encore ouvert un compte en banque au Japon, ce qui n'aidait pas.

- Allons père, ne vous en faites pas, je peut bien vous faire un cadeau, ça fait si longtemps qu'on ne s'est pas vus.

Il glissa l'argent à la caissière, souriant légèrement à son Servant. Son jeu d'acteur était impressionant, mais en regardant de plus près, on pouvait voir que le sourire sur ses lèvres ne s'étendait pas à son regard. C'était une performance.

- Merci d'être venus, messieurs, revenez quand vous voulez !

La caissière s'inclina, donnant le ticket de caisse au jeune homme, qui le plia, et le rangea dans son portefeuille, empocha son portefeuille. Il fit un signe de tête à l'Archer, et marchea vers la sortie, le vigile le faisant un signe de tête alors qu'ils sortaient. Une fois dans le rue, le jeune maître sembla changer, reprenant son air impassible.

- Bon travail. Je te propose que nous gardions ce scénario de couverture pour la suite.

Il jeta un coup d'oeil circulaire à la rue, encore peuplée d'étudiants de toutes sortes, et se tourna à nouveau vers l'explorateur.

- Je te laisse choisir notre prochaine étape, si un magasin t'intrigues, n'hésite pas. Oh, et bien sûr, si tu as des questions, n'hésite pas.